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Ingénieur Civil des Ponts et Chaussées (ENPC 1975) et MBA de Stanford (GSB 1978). Après 18 ans d'expérience dans quatre grands cabinets de conseil : McKinsey, A.T. Kearney, MMG, SMG-SIFO Group, il a fondé le cabinet Management & Performance (1996). Il est l’inventeur de l'Arbre de Performance® (1985). La version complète et régulièrement mise à jour de son "Livre Blanc" est en accès libre et téléchargeable gratuitement : https://fr.slideshare.net/GeorgesGaribian. ----- georges.garibian@gmail.com

TRANSFORMER LE MANAGEMENT ?… POURQUOI, EN QUOI, VERS QUELLE CIBLE ?

Changer, transformer sont devenus des leitmotivs du discours managérial. Mais ces notions couvrent un champ très vaste qu'il convient de préciser. En réalité, qu'on le veuille ou non, de façon subie ou choisie, dans une démarche organisée ou non, la vie de l'entreprise, comme la vie tout court, est un processus de changement. Le changement pour le changement n'est pas suffisant pour donner sens et pour guider l'action. Avant de lancer des projets de changement ou d'organiser le processus de changement, il est utile de se poser des questions de sens du changement : Pourquoi changer ? En quoi consiste le changement ? Vers quelle cible voulons nous changer ?

La pratique de l'ADP a mis en évidence trois invariants culturels qui caractérisent le management traditionnel et qui sont à la source de son inadéquation face à la complexité et aux pressions croissantes que doivent gérer les entreprises. La prise de conscience de ces invariants culturels et de leurs conséquences est à l'origine de la transformation que vise la mise en œuvre de l'ADP. Elle permet aussi de répondre aux questions de sens de cette transformation. 


1. Les trois invariants culturels du management traditionnel

Qu’est-ce qu’une culture d’entreprise ?
Un ensemble flou de valeurs, perceptions, postures, croyances, opinions, présupposés, non-dits plus ou moins partagés au sein de l’entreprise ou d’une partie de l’entreprise.

Les différences culturelles sont évidentes dans les fusions d’entreprises ou au sein des groupes multinationaux. Au-delà de ces cas, même en se limitant à un pays, un secteur, un métier, on constate une grande variété de cultures et une forte hétérogénéité des niveaux de maturité en matière de management de la performance.

A juste titre, nous sommes sensibles aux différences. Mais la diversité des cultures et des niveaux de maturité nous cache trois aspects essentiels du management de la performance, qui sont communs à toutes les entreprises et qui caractérisent la logique traditionnelle du management. Leur universalité et la profondeur de leur ancrage dans la logique du management scientifique empêchent de les discerner. La pratique de l’ADP nous a conduit à prendre conscience de ces trois invariants culturels que nous précisons ci-dessous.

1e INVARIANT : une conception fragmentée et statique de la performance

On ne peut pas comprendre la performance de façon fragmentée et statique. Pour faire sens, il faut l’envisager dans sa dynamique de génération, résultant de multiples interactions entre indicateurs, eux-mêmes impactés par différents processus et acteurs.

Les approches traditionnelles, même quand elles sont globales, cloisonnent les indicateurs en axes tels que : Financier, Client, Processus, RH. A l’inverse de les cloisonner, l’ADP intègre et organise les indicateurs, de façon à rendre compte de leurs interactions qui sous-tendent la génération de la performance. Un critère global sera décliné en leviers et facteurs de nature variée, traversant toutes les frontières, à commencer par les frontières organisationnelles et fonctionnelles.

2e INVARIANT : un pilotage « unijambiste » de la performance

Le pilotage de la performance comprend deux volets ou finalités complémentaires :
1e volet : définir des objectifs pertinents
2e volet : suivre et assurer la réalisation des objectifs

Nous avons un pilotage unijambiste, essentiellement centré sur le suivi et la correction de la réalisation des objectifs et qui laisse en friche la question de leur pertinence.

Les tableaux de bord répondent principalement au deuxième volet. La prééminence de ce deuxième volet est telle que les termes tableau de bord et pilotage en sont devenus des quasi synonymes, l’un renvoyant inévitablement à l’autre.

3e INVARIANT : une gouvernance mécanique par la contrainte

Dépassée par la complexité croissante de l’entreprise, la logique traditionnelle du management tente de maîtriser les risques et d’imposer la cohérence par deux types de contraintes : les normes et l’alignement.

Contrainte normative : normes, règles, procédures, solutions uniformes
Les normes (au sens large) sont bien sûr indispensables. Mais leur multiplication abusive et leur dérive vers de plus en plus de détail et de contrôles tatillons, loin de favoriser la maîtrise des risques, réduisent la réactivité, alourdissent le fonctionnement et ajoutent de la complication artificielle à la complexité du système.

La tentation de brider le facteur humain par des normes de plus en plus contraignantes est contre-productive. Des contraintes normatives foisonnantes génèrent elles-mêmes de nouvelles contradictions dans le système qu’elles sont censées réguler, ce qui donne lieu à de nouvelles interprétations et arbitrages, alimentant ainsi le facteur humain.

Contrainte par alignement de tous sur quelques priorités et objectifs globaux
L’alignement stratégique consiste à aligner tous les processus et tous les acteurs sur les priorités et les objectifs stratégiques de l’entreprise. Elle est fondée sur une approche séquentielle et une séparation des rôles d’élaboration et d’exécution de la stratégie. La plupart des managers sont réduits à un rôle d’exécutant à qui on demande de s’aligner sur la stratégie, d’y adhérer et de faire adhérer leurs équipes. L’alignement de tous sur les priorités stratégiques ou quelques KPI se fait au détriment de la prise en compte des priorités spécifiques à chaque acteur.

Les priorités globales restent souvent trop éloignées de beaucoup d’activités pour leur servir de guide suffisamment concret et spécifique. Aussi, beaucoup de managers sont dans l’embarras et sont amenés à faire des contorsions pour montrer qu’ils se sont bien alignés sur les priorités stratégiques du groupe, au lieu de se préoccuper de façon bien plus significative et plus fine de la stratégie et des leviers prioritaires de leur propre « petite entreprise » (unité, processus, fonction, métier…).

2. Pourquoi faut-il transformer le management traditionnel de la performance ?

Depuis plus d’un siècle, le management scientifique a permis d’énormes progrès. Son mérite est d’autant plus remarquable que, malgré d'innombrables améliorations des outils, des méthodes et des techniques, sa logique fondamentale est restée inchangée.

Néanmoins, de plus en plus de managers se rendent compte que cette logique traditionnelle est à bout de souffle. La gouvernance par la double contrainte, normative et par l’alignement de tous sur quelques priorités et objectifs globaux, n'offre plus suffisamment de degrés de liberté pour gérer la complexité et les pressions croissantes. Elle conduit au cercle vicieux :

A force de mettre sous tension les hommes par des critères globaux ou des KPI, on dégrade les conditions de travail, les compétences, la qualité, l'innovation et on aboutit à l’inverse de l’effet recherché sur la compétitivité et la performance globale.

Aujourd’hui, les améliorations périphériques ne suffisent plus. Pour inverser le cercle vicieux en vertueux, la transformation doit élargir la logique traditionnelle : évoluer d’une gouvernance par la contrainte, vers une gouvernance par la mobilisation :

Au lieu de peser toujours plus sur quelques critères globaux visibles, il s’agit de rendre visible le potentiel de tout le tissu des leviers opérationnels disponibles, afin d’aider chacun à identifier et à exploiter ses propres leviers prioritaires à fort Potentiel d’Amélioration de la Performance (PAP) pour optimiser sa contribution à la performance globale.

Cela pose bien sûr la question de la cohérence des multiples priorités locales entre elles et avec celles de l'entreprise. N'ayant pas de réponse à cette question, le management traditionnel n'a pas d'autre choix que de forcer la cohérence par la contrainte au détriment du sens, des hommes et, in fine, de la performance.

3. Le sens de la transformation à la lumière des trois invariants culturels

On peut résumer les trois invariants en une phrase : « Le management traditionnel se caractérise par une gouvernance mécanique par la contrainte fondée sur un pilotage unijambiste de la performance statique ».

Ces trois invariants culturels sont essentiels au sens étymologique : ils concernent l’essence même du management et de la performance. Ils constituent un socle cohérent qui conditionne tous nos outils et nos pratiques du management de la performance. Ils résultent du déni de la réalité que constitue l’ignorance des mécanismes universels.

Au-delà des problèmes contextuels, ce sont ces trois invariants qui sont à la racine de l’inadéquation du management traditionnel aux défis actuels des entreprises. On peut améliorer une multitude de points, mais à défaut de s’attaquer à ces invariants, on restera prisonnier de la logique traditionnelle. Inversement, l'affranchissement ou l'élargissement des trois invariants culturels nous indique le sens à suivre pour une transformation fondamentale du management traditionnel.

Qu’elle soit consciente ou non, formalisée ou non, chaque entreprise suit une stratégie de facto. Il en est de même de la culture. On peut être conscient de traits culturels plus ou moins partagés, mais la culture de facto est bien plus vaste que celle dont nous avons conscience. Ainsi, les invariants culturels, communs à toutes les entreprises, le sont a fortiori au sein d’une entreprise. Ils font indiscutablement partie de la culture de chaque entreprise. Ils en sont même le fondement.

La pratique de l’ADP montre que même dans le cercle restreint de l’équipe dirigeante, il n’y a pas de vision partagée de la dynamique de génération de la performance. En ce sens, quel que soit le niveau de maturité de l’entreprise, il n’existe pas de culture de management dynamique de la performance.

Le premier pas pour transformer le management traditionnel, consiste à prendre conscience des trois invariants qui le caractérisent. Leur emprise est telle, et d’autant plus forte, que nous les ignorons.

Dans la démarche ADP, transformer le management a un sens précis et vérifiable : s’affranchir des trois invariants culturels de la logique traditionnelle :



ANNEXE : Les schémas ci-dessous précisent la cible et les conditions de cette transformation.