Néanmoins, l’alignement stratégique s’inscrit dans, et renforce la logique traditionnelle de management descendant par des objectifs globaux. Or, cette logique est à bout de souffle. Dépassée par la complexité et les pressions croissantes, elle conduit au cercle vicieux :
A force de mettre sous tension les hommes par des critères globaux ou les KPI, on dégrade les conditions de travail, l'adéquation des compétences aux besoins, la qualité, l'innovation et on aboutit à l’inverse de l’effet recherché sur la compétitivité et la performance globale.
Aujourd’hui, les améliorations périphériques du management ne suffisent plus. Pour inverser le cercle vicieux en vertueux, nous devons élargir les concepts et la logique traditionnels du management : évoluer d’une gouvernance par la contrainte vers une gouvernance par la mobilisation :
Au lieu de peser toujours plus sur quelques critères globaux visibles, il s’agit de rendre visible le potentiel de tout le tissu des leviers opérationnels disponibles, afin d’aider chacun à identifier et à exploiter ses propres leviers prioritaires à fort potentiel pour optimiser sa contribution à la performance globale.
Une telle transformation visant la prise en compte des priorités locales suppose deux conditions :
1. Identifier les leviers opérationnels spécifiques aux multiples entités ou acteurs, selon leur potentiel de progrès. Cela suppose la connaissance simple, objective et robuste des Potentiels d’Amélioration de la Performance (PAP) pour chaque entité.
2. Assurer la cohérence des objectifs et des priorités spécifiques des multiples acteurs non seulement avec ceux de l’entreprise, mais aussi entre eux.
Or, dans la logique traditionnelle, les meilleurs outils de pilotage ne permettent d’assurer ni l’une ni l’autre de ces conditions. Ils ne sont pas faits pour cela. La notion même de PAP n'existe pas.
En réponse à ces deux conditions, l’Arbre de Performance complète les tableaux de bord en un dispositif intégré de pilotage par deux apports originaux :
• cadre de cohérence transversal rendant compte de la génération de la performance et de la contribution de chaque acteur ;
• outil de diagnostic performance identifiant les leviers prioritaires spécifiques à chaque acteur selon leurs PAP.
Cet article présente ces deux apports en les illustrant par un exemple bancaire.
I. L’ADP comme cadre de cohérence à 360°
Les indicateurs, comme les pièces d’un puzzle, n’ont leur sens que mis ensemble, à leur juste place. L’intérêt de l’ADP ne réside pas dans la pertinence individuelle des indicateurs, mais dans leur organisation, qui sert de support pour comprendre la génération de la performance (Figure 1).
Figure 1 : Principe d’organisation arborescente des indicateurs
De la masse confuse que forme une multitude de ratios, de statistiques et d’outils souvent incohérents l’Arbre de Performance extrait des indicateurs opérationnels qu’il hiérarchise et organise selon une structure arborescente en trois niveaux de synthèse.
CRITERES de performance
L’expérience montre que quel que soit l’objet de la performance (entreprise, processus, canaux de distribution, filières métier, chantiers…), 3 à 7 critères de performance opérationnels globaux permettent de couvrir tout le champ de la performance.
LEVIERS de performance
Chacun des critères globaux est décomposé sous forme multiplicative, donc exhaustive, en un nombre limité de leviers de performance plus spécifiques. Ainsi une vingtaine de critères et leviers de performance, fondamentalement liés aux métiers, constituent l’essence de l’Arbre de Performance.
FACTEURS de performance
Les leviers à leur tour se décomposent comme le produit de facteurs de performance de plus en plus fins et concrets.
La Figure 2 illustre le bouclage exhaustif du champ de la performance d’un réseau bancaire par six domaines opérationnels (en rouge), dont l’optimisation assure le développement rentable dans la durée.
Figure 2 : Bouclage du champ de la performance
• PNB : produit net bancaire
• ∆ PNB : évolution du PNB de l’année N-1 à l’année N
• ETP : effectifs exprimés en équivalents temps plein
• CDL : encours des créances douteuses et litigieuses
• Engagements : encours des crédits
Chacun des quatre premiers domaines est caractérisé par un critère global unique. La Qualité et du Développement RH sont présents dans tous les secteurs et tous les processus. Ils sont trop vastes et trop variés pour être cernés par un critère unique. Ils seront analysés selon différentes dimensions.
Ces deux domaines qualitatifs ont la particularité d’être à la fois des domaines de performance et des leviers et facteurs explicatif des autres domaines de performance : les indicateurs qualitatifs sont omniprésents dans la décomposition arborescente des critères globaux.
Ainsi, pour être durable le développement rentable de l’entreprise dans la durée doit être fondée sur la qualité et le développement RH.
Chacun des critères globaux est décomposé sous forme multiplicative en leviers et facteurs de plus en plus fins et concrets. La Figure 3 illustre l’analyse du critère A (Efficacité Commerciale) en deux leviers : A1 et A2, puis du levier A1 en plusieurs niveaux successifs de facteurs de performance. Bien que ne figurant pas sur le Schéma, le levier A2 à son tour est analysé en facteurs significatifs de la conquête, de la fidélisation et de l’exploitation de la base clients.
Figure 3 : Analyse de l’Efficacité et de la Productivité Commerciales
• PNB vendu : produit net bancaire des ventes
• Com. Vendues et MF Production : commissions et marge financière des ventes
• K Production : montant des capitaux vendus
• Ventes : nombre de produits ou services vendus
• Clients : nombre de clients dans les portefeuilles
• Contacts : nombre de contacts clients
• Contacts + : contacts ayant donné lieu au moins à une vente
• Clients vus : clients ayant eu au moins un contact dans l’année
Cet exemple montre qu’un critère global, bien qu’opérationnel, reste synthétique, donc assez abstrait ou hétéroclite. D’où la nécessité de l’analyser plus finement pour rendre compte de sa dynamique de génération.
Ainsi, en deux niveaux de décomposition du critère global, on arrive à une notion beaucoup plus concrète comme le nombre de ventes par ETP. Ce facteur lui-même est analysé en trois niveaux successifs de facteurs plus fins du processus de vente.
II.1 Notions de Potentiel d’Amélioration de la Performance (PAP) et d’Enjeu
La Figure 5 définit les notions de PAP et d’Enjeu et illustre leur calcul dans le cas d’un réseau de conseillers financiers pour l’indicateur Production/Conseiller.
L’ADP utilise la comparaison entre entités de même nature et la notion de Performance Modèle, pour calculer les PAP et les Enjeux pour chaque indicateur.
Figure 5 : Définition et illustration des notions de PAP et d’Enjeu
Le PAP en % et l’Enjeu en valeur, sont deux mesures complémentaires de l’importance du progrès potentiel. Le PAP est aussi un indice de la facilité à réaliser le potentiel. Plus le PAP est élevé plus le progrès sera facile à réaliser, toutes choses égales par ailleurs.
Le PAP (132%) et l’Enjeu correspondant (186 M€) de la Figure 5 sont ceux du réseau. Selon la même définition on peut calculer les PAP et les Enjeux pour chaque agence, comme pour chaque conseiller. Ainsi, la 3e agence, retenue comme Modèle pour cet indicateur, aura un PAP = 0. En revanche, l’agence ayant une performance faible de 280 k€/Conseiller, aura un PAP bien plus élevé : (1.261 – 280) / 280 = 350%.
A ce stade, les notions de PAP et d’Enjeu sont théoriques, car elles ne tiennent pas compte d’éventuels facteurs structurels pouvant expliquer en partie les écarts de performance, ni d’éventuelles interdépendances entre indicateurs. Lors de la fixation des objectifs, il faudra bien sûr tenir compte de ces éléments. Le cadre de cohérence est un support très utile pour identifier, valider et évaluer les facteurs structurels. En effet, il est bien plus difficile de comprendre les écarts de performance d’un seul critère que d’un ensemble de critères reliés entre eux.
Bien que théoriques, ces notions permettent deux apports de base « encapsulés » ou directement inscrits dans les tableaux comparatifs et structurés de l’ADP (Figure 5) :
• diagnostic performance Simple, Objectif, Robuste ;
• mise sous tension du tissu de la performance.
II.2 Quantification de l’ADP en un ensemble cohérent de tableaux comparatifs
La quantification de l’ADP aboutit à un ensemble structuré de tableaux comparatifs :
• traduisant les schémas arborescents, ou les chaînes de la performance ;
• mesurant les PAP et les Enjeux des différents indicateurs.
La Figure 6 illustre la quantification du critère B (Productivité des agences bancaires). Le critère global est le produit de quatre leviers de performance. Les colonnes du tableau correspondent à l’enchaînement de ces cinq indicateurs.
Figure 6 : Deux apports de l’ADP, « encapsulés » dans les tableaux comparatifs
Diagnostic performance simple, objectif, robuste
Mise sous tension de la chaîne de la performance
• Opérations Clients : écritures passées sur les comptes des clients
• Opérations Guichets : opérations réalisées par les guichetiers
• Effectifs Agence et Guichet : exprimés en équivalents temps plein
Pour des raisons d’espace, l’illustration se limite à la chaîne de la performance du critère B. Des tableaux analogues correspondant aux autres critères complètent le dispositif. Cette chaîne elle-même a été tronquée aux quatre leviers de performance. En réalité, chaque levier se décompose en facteurs de performance.
En lignes, parmi les 107 agences d’une région, seules quatre sont représentées : la première, la dernière, ainsi que les 95e et 96e agences selon le critère global.
Les deux axes des tableaux permettent deux types d’analyses complémentaires :
• Axe horizontal : compréhension de la génération de la performance, détection d’éventuelles interdépendances entre indicateurs et diagnostic performance.
• Axe vertical : calcul des PAP, explication des écarts soit par des facteurs structurels, soit par des pratiques différenciées.
Même très partielle et tronquée, la Figure 6 illustre la nature du diagnostic performance. A cette fin, relevons trois observations à la lecture du tableau.
On peut avoir une faible performance pour de bonnes raisons. L’Agence 107 a des performances moyennes dans les trois premiers leviers. Sa faible productivité globale est due surtout au dernier levier : « poids du guichet ». Or, ce ratio est bien un levier explicatif au sens mathématique, mais pas au sens opérationnel. Il dépend des effectifs guichet et back office, mais aussi des effectifs commerciaux. Or, l’analyse des autres domaines ayant montré que l’agence a un potentiel marché peu exploité et une très bonne efficacité commerciale, la direction lui a alloué deux commerciaux de plus, ce qui à court terme a dégradé le dernier ratio.
On peut avoir la même performance pour des raisons très différentes. Les agences 95 et 96, avec pratiquement la même productivité globale et donc le même PAP (147%) ont des leviers prioritaires très différents : respectivement B3 et B1.
Même les unités les plus performantes globalement ont des leviers à forte marge de progrès. L’excellente productive globale de la 1e agence s’explique essentiellement par deux leviers : « rentabilité des opérations » et « productivité guichet ». Elle peut facilement progresser dans le levier « externalisation» où elle a la performance la plus faible et un PAP de 93%. Une progression de 20% (faible au regard du PAP) dans ce levier, à condition de ne pas dégrader les autres leviers, permettrait d’améliorer de 20% la productivité globale.
Ces quelques observations montrent que l’examen parallèle de quelques tableaux est de nature à aboutir à un diagnostic performance :
• simple : en lecture directe et guidée par la structure arborescente des tableaux ;
• objectif : n’utilisant que les données objectives de ces tableaux ;
• robuste : différentes personnes ne peuvent aboutir qu’au même diagnostic.
Malgré sa simplicité, le diagnostic permet une analyse très fine, et cela globalement et pour chaque unité. Il :
• identifie les leviers prioritaires spécifiques à chaque acteur ;
• quantifie leurs Potentiels d’Amélioration de la Performance.
II.4 Mise sous tension du tissu de la performance
Le deuxième apport des tableaux comparatifs consiste à mettre sous tension la chaîne de la performance, que nous définissons par deux caractéristiques :
• identifier finement tous les leviers à fort potentiel ;
• assurer qu’en bout de chaîne on transforme bien l’amélioration des leviers en amélioration de la performance globale.
La mise sous tension de la chaîne de la performance permet à la fois de :
• soulager les managers en les aidant à réaliser leurs objectifs globaux ;
• exploiter finement tous les leviers à fort potentiel de progrès.
Au-delà du cas illustré à la Figure 6, l’ADP met sous tension toutes les chaînes de la performance, autrement dit tout le tissu des leviers et facteurs de la performance.
En utilisant une image tennistique, on peut dire que la logique traditionnelle du management ne fait que solliciter quelques cordes (les KPI ou critères globaux visibles) qui ne permettent ni l’efficacité ni la précision des coups, et qui au-delà d’une certaine tension finissent par casser.
A l’inverse, en mettant le cordage de la raquette sous une bonne tension, l’ADP sollicite finement l’ensemble du cordage tout en répartissant l’effort automatiquement et avec justesse sur chaque corde (mise sous tension du tissu de la performance, selon les PAP).